Dans ce billet ON, retrouvez une interview exclusive de Frédéric Hupé, directeur des opérations du groupe Wild & The Moon.
Peux-tu te présenter ? Peux-tu nous expliquer les contours de ton poste ?
Frédéric : je suis Frédéric Hupé, directeur des opérations du groupe Wild & The Moon. Il s’agit d’un poste généraliste, avec des contours assez larges : ça passe par les RH, le recrutement, la formation, mais aussi par le contrôle de gestion des restaurants, le management sur le terrain, toute la partie construction/maintenance/décoration/entretien – qu’on voit moins –, le maintien des restaurants et les ouvertures…
Il y a également l’aspect client, évidemment, puis toute la partie cachée : comment faire fonctionner des restaurants pour que le client soit content, comment faire pour que ce soit orchestré comme une partition de musique ?
Les opérations sont le cœur du réacteur des restaurants.
Peux-tu nous expliquer rapidement ton parcours ?
Frédéric : j’ai un parcours assez simple et typique, celui de l’équipier qui commence en bas de l’échelle et qui progresse : j’ai commencé à travailler à 17 ans chez McDonald’s France – à l’époque, il n’y avait que 50 McDonald’s. J’ai progressé au sein de McDonald’s France, puis dans le groupe Yum! – Pizza Hut, KFC et Taco Bell –, et j’ai dû faire tous les postes chez Pizza Hut : standardiste, prise de commandes, livreur, directeur de restaurant, directeur de réseau, formation pendant 2 ans, puis directeur général et directeur des opérations.
Donc, 12 ans de progression en interne. Après, j’ai géré une société qui s’appelait Room Saveurs – une filiale du groupe Fleury Michon – et j’en ai fait le leader de la livraison en France : livraison au bureau de plateaux-repas, buffets, cocktails, du pur B2B.
Étant donné que le centre de décision de Fleury Michon est en Vendée et que le cœur du métier ne relève pas du catering, j’ai pu développer – en tant que directeur général – en toute autonomie cette filiale à Paris. Quand je suis parti, cette société avait de très bons résultats financiers.
Avec mon équipe, on a dépoussiéré le monde du plateau-repas pour en faire une expérience culinaire variée et plaisante ; c’était une belle réussite et une expérience intéressante.
Et cela va bientôt faire 2 ans que je suis directeur des opérations chez Wild & The Moon, à un poste à mi-chemin entre CEO et general manager.
Quels conseils de management donnerais-tu à un jeune manager ?
Frédéric : d'abord, malgré les fréquentes critiques contre la nouvelle génération et le manque de main-d’œuvre, je trouve que les jeunes managers d’aujourd’hui sont beaucoup plus aguerris, équilibrés, complets et conscients.
Les nouveaux managers ont une telle pression ! Ils doivent être parfaits sur tous les fronts : humain/RH, gestion, commercial…
Ceux qui viennent travailler chez Wild & The Moon ont fait un vrai choix concernant nos produits, nos valeurs, notre engagement.
Est-ce qu’ils ne pourraient pas être considérés comme trop sympas ?
Frédéric : non, je trouve qu’ils ont une bonne autorité naturelle, plus diffuse et moins contraignante que l’ancienne génération. C’est un nouveau paradigme, mais je trouve qu’ils sont bien respectés. Aujourd’hui, on n’attire plus les gens avec l’autorité militaire, il faut s’adapter !
Quels conseils donnes-tu à tes jeunes managers ? Que peux-tu leur apporter ?
Frédéric : une vue d’ensemble. Ce qui est difficile, pour un manager, c’est d’avoir trop de choses à gérer : le food cost, les pertes, l’accueil client, les avis Google, le pourcentage de productivité, le planning, les plaintes clients, les commandes…
Même si beaucoup de fonctions ont été numérisées pour simplifier les tâches administratives et réduire la charge de travail, c’est un océan de responsabilités !
Le plus dur est d’arriver à sortir la tête de l’eau, de prendre du recul et de remettre les priorités dans l’ordre pour éviter de se noyer.
Comment organises-tu ton temps ? As-tu des astuces pour optimiser ton planning ?
Frédéric : j’organise ma semaine avec des routines, des incontournables, qui occupent au moins 30 % de ma semaine – par exemple, les réunions avec les équipes. La routine n’est pas forcément rébarbative ; elle sert à rythmer l’activité, à donner un cadre, et rassure les collaborateurs et collègues.
Néanmoins, il faut rester en alerte sur tout, notamment sur la concurrence (surtout avec le covid) et faire preuve de souplesse. Le plus difficile est d’anticiper les flux des équipes en négatif et en positif et de toujours avoir un coup d’avance. La structure doit être assez souple, car le chômage partiel ne résout pas tout ; tu ne peux pas avoir 100 % de salariés à temps plein quand tu fais 30 % de ton chiffre d’affaires.
Pour résumer : 30 % de routine, 30 % de projets en cours (par exemple, l’ouverture d’un restaurant) et le reste pour l’imprévu. Les journées ne sont jamais les mêmes, ce qui fait le charme du métier. L’erreur que je vois souvent, ce sont les gens qui planifient 95 % de leur journée : le moindre imprévu les déstabilise.
J’ai une routine de visite des points de vente. Il faut être présent pendant les services : c’est bien d’être présent à l’ouverture ou à la fermeture, mais c’est mieux d’être là au moment du rush. Je suis présent à chaque gros service, toute la semaine, ce qui me permet de connaître les clients, de voir les problèmes et de corriger le tir rapidement.
Tout se passe sur le terrain, mais il ne faut pas se laisser submerger par ce dernier, car ça peut être très chronophage.
Il faut éviter de remplacer ses managers, ce qui les décrédibilise, et de rentrer dans du micromanagement.
Quand on gère un réseau, il faut trouver le juste milieu entre se tenir informé et faire confiance.
Lors de ta carrière, tu as fait partie de grands groupes : as-tu retenu des méthodes ou des process qui, selon toi, sont à conserver et à reproduire ?
Frédéric : oui, ça formate quand tu travailles pour les 2 plus gros groupes américains de restauration et de service !
Je pars du principe que tout doit être écrit et formalisé, de préférence sur un support numérique, afin d’avoir un service consistant et constant dans une chaîne.
Il n’y a rien de plus frustrant pour un client que de ne pas trouver la même recette d’un restaurant de chaîne à un autre – ce qui est très dur à faire. La difficulté est la suivante : le manager doit s’approprier le restaurant comme sa propre maison, tout en restant ambassadeur de la marque.
Je pense que ce n’est pas débilitant de tout écrire. Chez Wild & The Moon, qui était déjà très bien organisé, on a formalisé encore plus de choses.
Par exemple, le poste de barista demande un long apprentissage. Si l’on ne montre pas tout, la formation dure 2 fois plus longtemps !
Quels sont, selon ton expérience, les pôles à structurer et les actions à mener en priorité quand on travaille pour une enseigne en plein développement ?
Frédéric : à chaque taille d’entreprise, une façon de s’organiser. Par exemple, il y a des fournisseurs qui sont très bien pour 3 restaurants, mais qui n’auront pas la même constance ou qualité pour 10 – surtout quand on travaille avec des produits frais. Si l’on n’est pas McDonald’s ou Burger King, il ne faut pas se prendre pour une usine à gaz.
J’utilise souvent l’image d’un avion qui vole en plein ciel sans avoir encore toutes ses pièces. Il peut manquer le moteur, la gouverne… mais il faut qu’il continue à voler ! On construit son avion en même temps qu’il vole ; toute la difficulté est de mettre les bonnes pièces au bon moment.
La priorité est de faire en sorte que le modèle soit duplicable. Il faut donc faire un audit très vite, dès le départ, pour ne pas dupliquer quelque chose qui ne tient pas ou qui a une culture de l’oral. Les process ne concernent pas que les recettes, il y a également le mobilier, le matériel de cuisine…
Donc la priorité est d’avoir un restaurant pilote super solide ?
Frédéric : oui, la base doit être solide pour ne pas rater ses ouvertures et dégoûter ses clients. Il vaut mieux faire un pas de côté pour consolider les fondations que mal grandir. Parce que mal grandir, pour une petite structure, c’est disparaître. Le plus difficile reste l’humain, non la technique : l’art du bon manager est de faire adhérer ses équipes à un projet.
Un bon dirigeant doit être exemplaire et transpirer avec ses équipes. Je ne crois pas au modèle du directeur qui reste assis devant son ordinateur toute la journée. Il faut trouver l’équilibre entre la prévision/gestion et le management. Les managers sont excellents quand ils passent 5 % de leur temps à manager les équipes. Pas 1 % ni 50 %, 5 % ! Ces 5 % sont très importants, notamment pour la positivité que le manager doit apporter dans l’équipe. Remercier quelqu’un pour un travail bien fait ne prend que 5 secondes. Ça, c’est du management ! Ça peut passer par des moments formels – comme des briefings avant service – ou informels - en tête-à-tête par exemple - qui sont certes plus difficiles dans les grosses équipes, mais qui ont plus de valeur.
Ce n’est plus possible de ne pas être à l’écoute de son personnel. Comme toutes les grosses chaînes, nous avons plus de 50 % de notre personnel à temps partiel. Ces étudiants et étrangers sont amenés à partir, mais il faut arriver à les impliquer autant que les salariés à temps plein. Il faut vraiment être à l’écoute – une écoute active et qualitative – pour éviter les abandons de poste, les réductions d’heures…
Je trouve que le management est sous-valorisé, notamment en France. Si l’on formait aussi bien nos managers que nos chirurgiens, il y aurait moins d’accidents.
Former un manager prend du temps !
Il faut impérativement aimer l’humain.
Le management n’est pas unilatéral : il faut adapter son management à chaque type de personnalité. Les objectifs ne changent pas, mais la façon de gérer les autres si.
Quels sont tes challenges du moment et quelles solutions mets-tu en place pour y faire face ?
Frédéric : mon challenge du moment : faire gagner de l’argent à la société ! Le compte d’exploitation se dégrade : 20 % d’augmentation sur nos matières premières, 16 % d’augmentation des salaires depuis le 1er avril, idem pour la logistique et le transport… Mais on ne peut pas augmenter les prix dans la même proportion. Il y a également la difficulté du recrutement.
Aujourd’hui, le moindre écart ou dérapage peut tuer une entreprise ; le point d’équilibre n’est pas facile à trouver dans cette époque critique. Il faut avoir des KPI tous les jours.
On ne pilote pas son compte d’exploitation à l’année ou au mois ! Le système du compte d’exploitation à la semaine des Anglais n’est pas idiot, il oblige à gérer les pertes au jour le jour.
MERCI Frédéric !
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