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ON Bureau de conseil

Diriger un groupe de restauration

Dernière mise à jour : 11 juil. 2023


Laurent Gillard, actuel directeur général du groupe La Pataterie et fondateur de LG Conseils, vous dévoile ses conseils dans cette interview exclusive.



Laurent Gillard
Laurent Gillard


Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer les contours de votre poste ?


Laurent : je m’appelle Laurent Gillard, et j’opère dans le monde de la restauration commerciale depuis maintenant presque 40 ans (Laurent a notamment été président de l'enseigne Léon de Bruxelles, N.D.L.R.).


Actuellement, je suis en mission en qualité de directeur général exécutif du réseau La Pataterie.



Depuis le début de votre carrière, quelles grandes évolutions avez-vous observées dans le secteur de la restauration ?

Laurent : j’ai observé 3 grandes étapes.


1. La première, c’est la naissance de la restauration commerciale.


À mes débuts, j’ai connu le développement de la restauration concédée, par exemple dans les centres commerciaux, sur les autoroutes, dans les parcs de loisirs (notamment avec le parc Astérix), soit une restauration urbaine qui s’est déplacée en périphérie. J’ai aussi connu l’avènement du fast-food, qui a démarré sous l’impulsion de McDonald’s.

Voilà donc la première étape : l’accessibilité de la restauration à une clientèle plus populaire. Quand j’ai commencé ma carrière, 3 repas sur 10 se prenaient à l’extérieur, et aujourd’hui je pense que ce chiffre a doublé – sans compter la livraison !


2. Il y a ensuite eu l’accélération du développement.


Cela s'est fait grâce à la création de différentes marques et de la restauration à thème – centrée sur une ambiance, une spécialisation, l’accès à l’exotisme avec la cuisine du monde…


3. La troisième révolution, c’est la restauration qui s’emporte ou qui se livre.


Elle a commencé naturellement dans les centres-villes, puis qui s’est propagée dans les bureaux et en périphérie.



Quelles tendances de restauration suivez-vous aujourd’hui et pourquoi ?


Laurent : j’aime beaucoup suivre ce qui se passe autour de la street food, qui correspond bien aujourd’hui à la tendance du picking : une expérience culinaire pour un budget modique.


Il y a le fast-food, qui répond à quelque chose de plus fonctionnel, une prestation servie rapidement dans un endroit propre avec un budget maîtrisé ; la restauration à table, qui répond à une expérience loisir ; et la street food, qui est entre les deux : du plaisir fonctionnel, avec beaucoup d’innovations qui donnent accès à d’autres types de restauration, la cuisine du monde par exemple (cuisine turque, coréenne…).


Je suis également toutes les innovations digitales qui permettent de faciliter l’accès aux éléments importants de l’expérience globale d’un client – le service, la production, le

paiement…



Diriger un groupe de restaurant
© Oleksandr Pidvalnyi


Selon vous, quels indicateurs clés de performance (ou KPI) doit suivre un dirigeant d’un groupe de restauration ?


Laurent : on a tendance à dire que le chiffre d’affaires est une clé, mais il est composé de deux données : la fréquentation (le nombre de couverts) et le ticket moyen dépensé.


Ce qui m’occupe en premier, c’est la fréquentation, car un client va dépenser différemment suivant son budget et son moment de consommation.


Ensuite, je me demande comment cette fréquentation se réalise, avec les notions de qualité.


Avant, on regardait les clients mystères, la qualité conçue, mais ce qui m’intéresse, c’est la qualité perçue, notamment ce qui se dit sur l’enseigne, sur les restaurants, sur les réseaux sociaux… En somme, la réputation, tout ce qui est subjectif.

Le second élément fondamental est la fidélisation du personnel : le turnover en restauration doit être surveillé.


Un gros turnover montre une qualité bien moins maîtrisée, ce qui se reporte ensuite sur la fréquentation.


Avez-vous des conseils pour transmettre efficacement une culture d’entreprise – surtout quand il y a beaucoup de sites ?


Laurent : premièrement, il faut régulièrement faire le point sur les valeurs de l’entreprise : s’assurer qu’elles sont bien partagées par ses collaborateurs proches, qui vont ensuite générer ces valeurs au sein d’un réseau.


Ce qui est décisif, c’est la communication interne sur les éléments majeurs : l’évolution de votre entreprise, le produit, les réussites et best practices à partager – que ce soit sur le commerce, le management ou la gestion.


Il faut également que cette communication soit transparente et sans faille. Je tiens à créer du lien avec les collaborateurs qui sont sur le terrain.


À titre d’exemple, quand je m’occupais des stages de formation pour de jeunes managers, je m’assurais de faire des tables ouvertes, c’est-à-dire des dîners où j’allais à la rencontre de ces gens sans tabou, je répondais à leurs préoccupations du moment, à leurs questions sur la stratégie de l’entreprise, je leur délivrais les messages importants sur l’actualité de l’entreprise… Ça crée du lien et du contact, et ça nourrit forcément la fierté d’appartenance à la culture d’entreprise.


Un échange direct, sans filtre hiérarchique, avec des questions non préparées et non censurées, c’est essentiel ! Je pense que la culture d’entreprise ne peut être qu’incarnée par son patron, puis diffusée par ses managers.

En plus de l'e-reputation commerciale, je parle d’« e-reputation d’employeur » – la marque employeur. Dans les réseaux, j’observais souvent que la performance d’un restaurant était liée à la maîtrise de son turnover et à la qualité de la formation et du management.


Quand on s’occupe bien de son personnel, il s’occupe mieux des clients. Et quand l’e-réputation d’employeur se met en place, avec le bouche-à-oreille, il y a moins de difficultés de recrutement.



D’après votre expérience, quelles actions donnent le plus de résultats financiers ?


Laurent : je dis toujours que ce qui conduit ce que je suis, c’est le "ROC & ROP" égal au ROI. Souvent, les gens font l’erreur de regarder le ROI comme seul indicateur de performance. Or, c’est un résultat, qui a donc une cause.


Le ROI résulte d’une performance commerciale et d’une performance managériale.

diriger un restaurant
© Lukas

Quand je dis "ROC & ROP", c’est "return on customer", tout ce qui fait qu’un client a envie de venir, de revenir ou de parler en bien de vous.


Le "ROP", c’est "return on people", donc tout ce qui nourrit la performance de votre personnel, qui va lui-même faire en sorte d’améliorer les indicateurs de performance commerciale, culinaire, économique…


Le "ROC & ROP" donne le ROI. Évidemment, le ROI est important, mais il faut surtout regarder sur quoi il se construit !

Il faut donc plus raisonner en valeur qu’en coût. Je fais toujours la différence entre une dépense qui coûte et un investissement qui rapporte.


Quand on met de l’argent dans le personnel, dans la formation, ça va générer de la fidélisation, de la performance, moins de turnover, ça va vous apporter du commerce, donc de l’économie.



Si vous deviez donner un conseil à un jeune dirigeant d’un groupe de restauration, quel serait-il ?


Laurent : la première clé, c’est d’aimer son produit ; on ne peut pas faire semblant.


Il faut aussi aimer le terrain. Un dirigeant qui ne va pas au contact du terrain – clientèle et personnel – ne se nourrit pas des choses importantes.


Pour construire une stratégie d’entreprise, des évolutions, des actions d’amélioration, etc., il faut s’assurer d’abord qu’on est bien connecté avec la base, avec ce que souhaite le client – et ça, le personnel peut nous l’expliquer.


Il faut donner de sa personne et s’assurer que la communication soit bien faite !

J’ai toujours pris l’habitude de faire des visites terrain, parfois sans hiérarchie pour être sûr d’obtenir la vérité. Je m’assure d’avoir au minimum un contact terrain par semaine, que ce soit dans le cadre professionnel ou personnel – vous pouvez très bien partir manger en famille ou entre amis !


Le fait de vous montrer dans votre réseau prouve que vous vous intéressez à votre produit, ce qui génère de la proximité et de la fierté d’appartenance.

Aussi, grâce à l’expérience, on fait moins d’erreurs, on développe une perception.


MERCI Laurent !


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