Dans ce billet ON, retrouvez une interview exclusive de Luc Negri, Manager de Transition DRH.
Tu as occupé des fonctions de DRH dans la restauration pendant 30 ans : selon toi, quelles qualités ont les grands directeurs de restaurant ?
Luc : la première chose qui me vient à l'esprit peut paraître d'une banalité profonde et pourtant… Pour moi tous les grands directeurs et les grandes directrices de restaurant que j'ai connus ont en commun d'aimer les gens. Aimer les gens qu'ils ne verront qu'une seule fois dans leur salle de restaurant, aimer leurs habitués, aimer les hommes et les femmes de leur équipe, aimer leurs fournisseurs, aimer leurs banquiers etc.
Ensuite, ce sont tous des gens gourmands, gourmands de bons produits, gourmands de cette singularité dans la vie des êtres humains qui est celle de partager un repas et d'apprécier les mets, les goûts et les textures. Ils aiment tout cela, savent en parler et donner envie.
Et puis, en le sachant ou sans le savoir, ce sont toutes et tous des gens de théâtre.
Metteurs en scène, ils le sont car ils savent que tout détail a de l'importance pour la réussite de la pièce (le service) : la qualité des décors, des costumes (la tenue), la qualité du feuillet qui va présenter la pièce (la carte), la qualité de la communication que l'on en a fait autour (le site internet, les réseaux sociaux…). Ils savent choisir les acteurs (le recrutement) et les mettre dans leur meilleur rôle. Ils savent que le texte doit être su par cœur, au point que sa maîtrise le fera paraître naturel. Toutefois, ils ont aussi fait travailler l'improvisation pour que les acteurs ne soient jamais pris au dépourvu (la formation, l'animation de l'équipe).
Mais acteurs, ils le sont aussi, car ils seront sur scène en même temps que tout le monde. Par leur énergie ils donneront le tempo, par leur exemplarité ils feront adhérer la troupe.
Et comme tout acteur, ils seront un peu "cabot", car finalement ils aiment aussi qu'on les aime.
Quelles grandes tendances RH vois-tu émerger et suis-tu avec intérêt ?
Luc : je suis convaincu que la prochaine révolution RH passera par le développement de l'utilisation de l'intelligence artificielle.
Comme souvent les premiers développements peuvent interroger, voire faire peur. L'intelligence artificielle arrive en RH par le recrutement et tous les développements en matière de "recrutement prédictif". C'est un peu Minority Report au pays des Ressources Humaines.
Mais les développements qui m'intéressent sont ceux qui vont mettre en œuvre un précepte que nous avons toujours partagé avec mes équipes : "ne jamais oublier que nos collaborateurs et leurs proches sont tous de potentiels clients, nos clients et leurs proches tous de potentiels collaborateurs". Je suis convaincu que l'on marque toujours des points si on traite convenablement ces deux facettes d'une même personne.
C'est ainsi que je regarde avec attention ceux qui travaillent les systèmes de planification qui mixent les prévisionnels de vente (en intégrant, la météo, les événements locaux, l'évolution du trafic routier autour du restaurant) et le staff à disposition (les contraintes légales, conventionnelles, contractuelles), mais aussi les demandes des salariés ("je souhaiterais aller au mariage de ma cousine Ursule tel weekend") ou le niveau de compétences sur chaque poste. En mixant toutes ces données, une intelligence artificielle pourra proposer une planification idéale, mais aussi des modèles dégradés avec des indications de prise de risque aidant la prise de décision du directeur.
Exemple : "je serai en sous-effectif ce jour-là, mais je vais planifier mes trois collaborateurs 4 étoiles, car je sais qu'ils ne me feront pas faux bond et qu'ils sauront assurer un service de qualité au client malgré la contrainte". C'est sur ces pistes que travaille par exemple Mapal OS.
Dans un autre registre, je suis séduit par l'utilisation de l'intelligence artificielle qui crée un véritable "assistant virtuel" du directeur de point de vente, comme le fait par exemple Unique AI. Ces solutions développent simultanément une aide au recrutement en faisant de la pré-qualification des candidatures H24 et 7j/7 et une aide à la commande en permettant au client de choisir à distance son menu et un "click and collect" efficace. Le tout en diffusant si on le souhaite sur la commande un QR code qui orientera vers l'assistant virtuel tout client/candidat qui le souhaite.
On boucle la boucle client/collaborateur.
As-tu 2-3 conseils de management à nous partager ?
Luc : le management est une chose tellement compliquée qu'en la matière, je prône l'humilité. Je me garderai donc de délivrer des recettes ou du "y'a qu'à, faut qu'on" mais plutôt une approche ou une philosophie que j'ai empruntée à Cédric Watine, l'animateur du Blog Outil du Manager.
Chez lui, la réussite d'une entreprise s'appuie sur un principe que l'on peut condenser dans le sigle d'une station de radio : RMC. Le résultat naît d'un système de management qui identifie et conserve les meilleurs collaborateurs.
Ainsi un bon manager est celui qui rend ses collaborateurs continuellement meilleurs et qui met en place ce qu'il faut pour les conserver.
La raison d'être du manager c'est donc de rendre les autres meilleurs.
Alors, mon principal conseil à un manager, c'est de se demander chaque soir s'il a posé un acte qui a contribué à rendre un de ses collaborateurs meilleur. Chaque fois qu'il répond oui, il peut s'endormir du sommeil du juste.
Je vais quand même me hasarder à un second conseil : n'ayez jamais peur de vous entourer de gens plus compétents que vous dans tel ou tel domaine, tant que vous contribuerez à les rendre encore meilleurs, vous serez un manager respecté… et vous contribuerez au résultat.
La formation est souvent le parent pauvre de la restauration. Tu as cru très tôt au e-learning, en le mettant en place dès la fin des années 2000 chez Courtepaille. Quels résultats as-tu pu observer ?
Luc : les résultats ont été incroyables et très contributeurs.
Le premier, c'est que nous avons ainsi pu passer de 1€ dépensé en formation se répartissant en 80 centimes de dépenses en frais annexes (déplacement, hébergement restauration) et 20 centimes de dépenses en ingénierie et en formation directe à 1€ dépensé se répartissant en 80 centimes dédiés à l'ingénierie et à la formation directe et 20 centimes en frais annexes (maintenance, hébergement technique…).
Le second, c'est que nous avons pu, à iso-budget, multiplier par 10 le nombre de personnes concernées par un acte de formation sur une année.
Le troisième est qu'avant la formation concernait majoritairement les cadres et les agents de maîtrise et qu'ensuite elle concernait majoritairement les employés (ou comment le DRH devient populaire auprès de ses partenaires sociaux).
Le quatrième, c'est que tous les nouveaux embauchés ont bénéficié de la même formation, avec la même qualité de diffusion de la connaissance (l'outil d'e-learning ne se fatigue jamais à répéter quinze fois la même chose au cours de la semaine). Le manager pouvant se concentrer sur la transformation de la connaissance en compétence et passer du temps à mieux connaître ses nouvelles recrues et identifier les potentiels.
Le cinquième, c'est qu'une fois le programme finalisé nous avons pu rendre autonome, mais aussi responsabiliser chaque directeur de restaurant sur la formation des ses employés.
Pour faire simple chaque restaurant avait en toute autonomie la capacité de former ses nouveaux, d'identifier leur potentiel, de les faire progresser sur toutes les missions du niveau "employé", de faire valider les progressions de rémunération à l'appui de contenus documentés et objectivés et ce tout au long de l'année…
Les Directions Régionales reprenant la main lorsqu'il s'agissait de valider les candidats entrant dans des parcours de promotion "Devenir Assistant", "Devenir Adjoint", "Devenir Directeur" (qui eux aussi utilisaient pour partie l'e-learning).
Donc c'est bien en conservant les meilleurs que nous avons réussi à baisser le turnover… et l'e-learning a été notre arme de diffusion massive.
MERCI Luc !
Pour en savoir plus sur notre application mobile d'e-learning, rendez-vous sur notre site internet www.onboardacademy.fr, ou contactez Hélène : helene@onboardacademy.fr
Crédits photos : © Luc Negri, © Tara Winstead, © ON board academy
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